Sunday, 2 November 2014

Les derniers titres chez mgv2>publishing


En 2014, les éditions mgv2>publishing ont donné la part belle aux auteurs francophones et continueront de le faire dans les années à venir. Deux recueils ont été publiés cette année, un autre est à paraître en décembre. Sans oublier le lancement de la deuxième série de X & Friends, traduite pour l'occasion en X & compagnie. Lancée en 2012 avec des auteurs anglophones, cette série se poursuit depuis septembre avec des auteurs francophones invités, chacun ayant pour mission de réunir autour de lui quelques comparses pour lesquels il choisit un texte. Prose ou poésie, ces recueils tiennent de l'espace collaboratif qui m'est cher.

Près de dix-neuf ans seul à la barre de la revue mgversion2>datura, il arrive que je me sente un peu seul, alors je délègue tant que je trouve des personnes fiables.

Voici donc quelques-uns des titres parus aux éditions mgv2>publishing cette année, sans oublier tous les autres titres des années précédentes en anglais. Tous les titres publiés sont disponibles via le site Lulu et bientôt sur Amazon (Createspace et Kindle).
La bascule des chevaux
De Cédric Bernard


Couverture souple, 30 Pages

Aperçu
Prix : 8,02 €

Quatrième de couverture, extrait de la préface, signée Patrice Maltaverne:
Il y a de l’angoisse, beaucoup d’angoisse à ne pouvoir rien faire pour la personne que l’on aime et qui reste aux prises avec ses démons.
Et derrière ce mur infranchissable, le pire est qu’elle sait tenir tête à la respectabilité qui nous étouffe!

Blog de Cédric Bernard
http://lesmotsdesmarees.blogspot.fr


*****

Il y a bien longtemps qu'un auteur francophone n'avait proposé son texte pour une publication par mgv2>publishing. Méconnaissance des auteurs français de cette toute petite presse? Oubli des origines qui ne se trouvaient pas dans le monde anglophone? Peur du monde digital qui l'enveloppe?  Désintérêt? Je ne sais pas.

Ce dont je suis certain en tout cas, c'est que je ne suis pas peu fier de renouer avec l'édition d'un texte en français quand celui-ci est signé Cédric Bernard. Souvent publié dans la revue mgversion2>datura, c'est un habitué qui soutient à sa façon et comme il peut les efforts entrepris pour promouvoir la littérature contemporaine hors des sentiers battus.

Je suis tombé amoureux de ce texte et l'ai programmé très vite lorsque Cédric me l'a envoyé. N'oubliez pas que le traumatisme était déjà notre credo en 1996 et que, près de 18 ans plus tard, c'est toujours ce qui nous fait tenir debout -- la revue, les éditions et moi.

Ce livre est sans doute plus un réel départ qu'un aboutissement. Pour l'auteur bien sûr qui a pourtant déjà à son actif l'autoédition de deux livrets C'est le matin que l'on grandit (2013)  et Le cas Leleu (2014) et plusieurs publications en revues: FPDV, Vents alizés, Des tas de mots, et Traction Brabant bien entendu, puisque c'est Patrice Maltaverne, l'éditeur de cette dernière, qui signe l'introduction de ce recueil de textes courts, textes de prose poétique, dans lesquels l'absence de l'autre, pourtant omniprésent, ronge et met à mal celui qui, main tendue, ne peut que constater et décrire la déchéance. Une lueur luit peut-être au bout du tunnel. L'espoir fait vivre dit-on, mais le retour n'est jamais de tout repos.

Extrait

j'ai eu des nouvelles de ton répondeur là pour le moment car tu n'étais pas là à l'effort à l'affront au front comme un moineau dans l'hiver qui gonfle ses plumes comme un morné qui gonfle son orgueil dans son simili-cuir ce même mouvement à rentrer dans ses plumes à rentrer dans les plumes à s'imperméabiliser trucher un peu sa minceur sa pauvreté vaincre d'effets l'effort l'affront le front allongé debout dans le carrosse aux roues en culs de bouteille roulant droit vers le fond qui amène te ramène quand tu roules sur le bord de la route tes chevaux écroulés sur le trottoir tes chevaux à brouter trottoir et toi poussière de rentrer dans les auberges sans passer le relais tu radotes je répète tu répètes je radote un peu être quitte sans se quitter creuser l'écart tellement raser l’écartèlement garder le rythme jusqu'à tourner rond tourner en rond jusque dans le mot exode arrondie épisode périodique saignement masculin interne continue continue on continue ce soir ami amibe ma tournée je relève les nouvelles en me demandant ce qu'il y aura dans les mâchoires ce qu'il y aura dans le piège
La peau
Par Alexandra Bouge


Au format Kindle

Couverture souple, 70 Pages

Prix : 6,00€

Préface – Walter Ruhlmann

En ce dimanche après-midi, je l'imagine parcourant les rues de la ville : Belleville, Montreuil ou peut-être Paris elle-même. A la découverte de quelque street-art dont elle est si friande et qu'elle photographie pour remettre à sa place la beauté cruelle du paysage urbain, pour les immortaliser aussi, avant qu'ils ne soient repassés à la peinture, au Kärcher ou à la bombe d'un autre graffeur moins sensible ou moins attentif.

Le mobilier urbain récemment repensé pour éviter aux clochards d'embouteiller les halls ou les entrées d'immeubles, les quais du métro, les jardins publics, sert aussi de source d'inspiration à Alexandra comme le montrent, elles aussi, certaines de ces photos, ou les mots qu'elle met en forme page après page pour en décrire l'horreur absolue, autant que les noires espérances de ceux qui peuplent les recoins de la cité.

Dans cette œuvre atypique, comme dans tout ce qu'elle écrit ou tout ce qu'elle créé, Alexandra Bouge, une auteure prolifique, socialement impliquée, d'autres diraient indignée, elle-même à la merci d'une société toujours plus exigeante, pour ne pas dire maltraitante, avec ceux pour qui l'art, l'humain, l'être ont toujours eu plus d'importance que ce que nos contemporains mettent en avant. Il y a de la cruauté, des mots crus, des images fortes, des échanges dérangeants, des situations désespérées, il y a beaucoup d'ombre et peu de lumière, peu d'espoir en d'autres termes, mais toujours celui de voir Alve, le personnage féminin principal de La peau, atteindre le but qu'elle s'est fixée. Vivre bien, plutôt que survivre face à de nombreux dangers insidieux.

Je parlais d'une œuvre atypique car il faut bien reconnaître que le mélange de deux langues : le texte est incrusté de mots ou expressions roumains pour lesquels Alexandra Bouge donne une traduction et une adaptation phonétique. Ces aspérités sont là pour nous rappeler que de la part d'une personne perdue au milieu d'un territoire étranger, hostile à sa présence, à son existence même, il est parfois des lacunes lexicales, culturelles qui ne sauraient être comblées par autre chose que des mots issus de la langue maternelle, un sein vers lequel la bouche se tend pour y retrouver le réconfort souhaité, les repères d'un héritage, certes lourd à porter, mais essentiel à la personne. Alexandra a d'ailleurs dédié ce livre à Flora Michèle Marin, artiste, biologiste de métier, dont les œuvres sont encore publiées aujourd'hui.

Lors de sa première publication au format numérique en 2010, ce texte n'était pas complet ; Alexandra y a ajouté d'autres textes inédits qui viennent compléter ce tableau d'une société moderne déshumanisée, incapable d'accepter l'autre tel qu'il est. Alexandra Bouge a le don du traumatisme. Nul n'a encore su mettre en scène ici dans un décor de visages spectraux et inquiétants, comme des impressions de Rorschach des personnages que l'on pourrait définir comme fracassés de la vie, simplement en quête d'un meilleur qui n'existe que dans l'imaginaire. Brutal, cru, le récit d'Alve vous mène le long de chemins tortueux qu'il est nécessaire d’emprunter pour voir le monde au grand jour.

Walter Ruhlmann – 15/06/2014


PMT -- Post Mayotte Trauma
De Walter Ruhlmann

A paraître en décembre 2014

Préface de Patrice Maltaverne

Walter Ruhlmann, activiste de la poésie francophone et anglophone, a beaucoup bougé ces quinze dernières années.
En effet, depuis que j’ai commencé de collaborer au webzine de Walter, intitulé « mgversion2>datura », je me souviens de ses lieux de vie successifs, notamment dans la région du Mans, puis en cette année 2010, à Mayotte, destination à l’évidence plus exotique que les précédentes.
A ce moment là, je me suis dit : il est parti là-bas, mais en reviendra-t-il ? Ce changement de vie promettait d’être total et devait correspondre à un besoin de renouvellement profond. Je peinais d’ailleurs à imaginer les différences avec l’existence d’ici.
En tout cas, à la fin 2011 et comme pour mettre fin à ce genre d’interrogations, Walter a de nouveau posé ses valises en Métropole, rapportant à l’intérieur un recueil de poèmes en forme de bilan : il s’agit de « Post Mayotte Trauma », qui constitue une référence pleine de dérision, révélée par l’auteur, à l’expression « Palmes-Masque-Tuba », alliée des sportifs de la plongée.
Dans les pages qui vont suivre, vous découvrirez donc les divers moments de ce séjour à l’autre bout du monde, émaillés de nombreux noms de lieux et entrecoupés d’une escapade à l’île de la Réunion, de quoi suivre à la trace l’auteur en ses pérégrinations.
Cependant, si vous recherchez des cartes postales pour égayer votre bureau, vous serez sans doute un peu déçus, malgré la présence de quelques illustrations dans le recueil. En effet, Mayotte sert de prétexte à l’introspection et ne laisse pas que des bons souvenirs. Ainsi, vous ne pourrez pas oublier les réalités de ce pays éruptif, et pas seulement au sens propre du terme, puisque hélas, la pauvreté de ses habitants, générant l’instabilité sociale, marque le quotidien des expatriés.
Alors, est-ce que « Post Mayotte Trauma » vous découragera d’aller là-bas ? Je ne le crois pas. Prenez plutôt cette série de textes comme une invitation à ouvrir davantage votre esprit à d’autres ambiances. Prenez la aussi comme la relation d’une tranche de vie bien découpée, dont les instantanés, ses instants de partage et de plaisir, comme d’angoisse et d’abattement, sont décrits avec naturel par Walter Ruhlmann, à travers un style clair, presque aérien, à l’image du mode de transport usité pour rejoindre Mayotte depuis la France.
Il s’agit là en définitive, pour l’auteur, de rendre compte, de la façon la plus exacte possible, de ses impressions, à l’instant où elles naissent. C’est bien là l’une des « missions » les plus cruciales de la poésie, au moins depuis Rimbaud, et qui contribue au plaisir du lecteur.

Patrice Maltaverne

Extraits dans le revue Ecrits-Vains
Stéphane Bernard & compagnie
Ouvrage collectif:  Stéphane Bernard, Murièle Modély, Julien Boutonnier, Jean-Marc Undriener, Fabrice Farre,

Prix : 5,00€

Voici deux ans que le premier recueil de X & Friends avec comme invitée Amber Decker est paru. Jusque-là, seuls des auteurs de langue anglaise avaient été invités. J'ai décidé d'ouvrir cette série aux francophones et c'est avec grand plaisir que j'ai travaillé avec Stéphane Bernard sur ce premier recueil d'une série qui en comptera dix et nous mènera jusqu'en avril 2016. Avec ses invités, Stéphane Bernard nous mène en poésie dans les vagabondages parfois désespérés, toujours profonds, suivons-les sans plus attendre.

Extrait

Ferdinandea
de Stéphane Bernard

il y a cette île, Ferdinandea, en mer de Sicile,
et qui n'existe qu'en de courtes périodes.
elle est la tête hors de l'eau d'Empédocle le volcan à son réveil.

sa colère le portant, Empédocle hissé se fait île.

plus tard, quand le cratère s'apaise, la mer s'insinue,
fait des bouches éruptives calmées des lacs où l'eau par chimie rougeoie.

l'île demeure encore un temps île, puis plonge à nouveau.
le feu alors rendormi rêve moins de dix mètres sous les vagues.




Thierry Roquet & compagnie
Ouvrage collectif: Thierry Roquet, Heptanes Fraxion, Frédérick Houdaer, Eric Dejaeger, Jean-Marc Flahaut, Jérôme Leroy, illustration de couverture Cathy Garcia

Prix : 5,00€

Dans ce deuxième recueil de la série X & compagnie, Thierry Roquet et ses amis nous invitent à mettre le doigt déganté sur la face du quotidien, le plus moite mais le plus profond aussi. La résignation est un suicide quotidien comme le montre Cathy Garcia sur la couverture dont elle est l'auteure. Cathy Garcia seule présence féminine dans cette tribu couillue: non pas « Mieux qu'une bande de mecs », mais juste une bande de mecs, dont la testostérone rend ce groupement de textes cohérent, touchant, bouleversant.

Extrait

L'invisible ennemi des premières lueurs
de Thierry Roquet

noir sans sucre et bien corsé
c'est comme ça que je le bois le café
accompagné d'une clope chaque fois
je suis
assis sur la cuvette des chiottes
qui fuit goutte à goutte
la tuyauterie est noircie pourrie vieille de
soixante ans j'en sais trop rien
un jour ça va nous péter à la gueule et on l'aura bien
cherché

j'ai ouvert la fenêtre
au vent frais au crachin
au lent réveil d'un jour qui sera peut-être différent
de la veille de l'avant-veille
il est quatre heures quarante-sept du matin qu'est-ce que je
fous là bon dieu ?
à peine remis d'un léger
sommeil trop haché
j'ai pas le courage d'en chercher les raisons profondes

hier soir jusque tard je lisais les aventures de Max Zajack
mon alter ego c’est tout comme
en quête d'un boulot de n'importe quel boulot
alimentaire en quête d'argent
et j'entendais un bruit sourd régulier qui faisait résonner les murs
de la chambre
un moment j'ai eu la sensation que c'était mon cœur en train
de battre trop fort
en train de me lâcher
ou que c'était ton rêve qui débordait par ta bouche ouverte et puis non
j'ai vu une camionnette de dépannage garée avec ses warnings
un ouvrier taper avec ses outils sur une porte défoncée

quand l'anecdotique tient lieu de souvenir
il est sans doute temps de songer à s'enfoncer dans la réalité
de ne plus la fuir à ce point
de percer à jour le secret d'une vie qui se traîne
avec les mêmes chaussettes
le même slip les mêmes reflets jaunâtres

déjà en face les premières lumières s'allument
les premières bagnoles brisent le silence
 ça a un petit quelque chose de rassérénant
d'assister immobile à la naissance du jour
c'est comme une petite victoire sur un invisible ennemi




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