Le titre n'apparaît pas directement comme sur les livres ordinaires. Ce n'est pas un livre ordinaire. Le voyage somnambule écrit par Jan Bardeau dont les textes ciselés sont sertis des illustrations en noir et blanc de Seb Russo sont loin de "L'invitation au voyage" de Baudelaire, en ce sens que de voyage, il n'en est point, sinon au travers d'un rêve, ou plutôt d'une sorte de cauchemar. Ils en sont tout aussi proches puisque de ce voyage l'on retient la même morale: ailleurs - et quel que soit cet ailleurs: une plage, une ville, la lune - c'est un peu, beaucoup, comme ici.
Englué dans un pastiche d'existence terne et morose, le narrateur dont les pieds se trouvent pris au piège dans "une gangue de mazout & d'algues" entonne un chant, comme un enfant le ferait pour se rassurer: "même pas peur".
L'horreur est décrite et n'est-ce point plus horrible de se sentir prisonnier, épié, encerclé, loin de chez soi, loin de ses rituels et hors de son environnement familier que dans la douce quiétude de l'habituel, aussi pesant soit-il?
L'idée peut-être que ce narrateur n'a peur de rien, n'a plus de crainte, il sait très bien que le pire est inéluctable. Ne plus avoir peur car rien ne peut le toucher. Et ce leitmotiv viendrait presque nous convaincre qu'il en est réellement satisfait.
En tout cas, cela le sauve, le rire et la vie qui sont siens le préservent des bombes qui pleuvent autour de lui
La vie, dont le rire serait une preuve, un indice du moins, un souffle tout au plus, serait donc l'unique source d'espoir?
Ce long monologue, fort sombre, le devient d'autant plus avec, à ses côtés, les illustrations-vignettes (comme une bande-dessinée) de Seb Russo. Elles rehaussent ce sentiment d'incarcération, achèvent de crever la bulle d'espoir que ce cauchemar prendra fin ou n'est qu'un leurre face à la vie, lorsqu'elles montrent des têtes hurlantes arrachées à leur corps, l’œil de quelque créature qu'on ne peut penser humaine nous fixer d'un regard figé et peu engageant. Etres difformes, bouches tordus, formes incongrues... Le peuple effrayant d'un rêve dont on veut vraiment sortir. Quitter pour de bon.
Et puisque partir est incontournable, autant que ce soit en douceur.
Jan Bardeau: nuagedepoussières.over-blog.com
Seb Russo: www.seb-russo.com
No comments:
Post a Comment